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Lumière sur le nouveau programme
HEG avec Hervé This


Après 18 années d’un fonctionnement exceptionnel, avec des étudiants du monde entier, le programme des Hautes Études de la Gastronomie (HEG) se rénove. Dès juin 2022, cette nouvelle édition, créée et orchestrée par l’Institut Le Cordon Bleu et l’Université de Reims Champagne-Ardenne, propose deux nouveaux formats :
  • L’expérience immersive de deux semaines du 20 juin au 1er juillet 2022 (lundi au vendredi) 
  • L’expérience étendue d’octobre 2022 à juin 2023, à raison d’un vendredi par mois  

 

Rencontre avec la référence incontournable de la gastronomie moléculaire et physique, et également Président du Comité Pédagogique du nouveau programme HEG, Hervé This.

Monsieur This, vous allez intervenir dans le cadre du programme « Sciences gastronomiques », qu’est-ce que cela comprend ?

Dans notre Comité académique, mon rôle le plus essentiel est de m’assurer que nous ne faisons intervenir comme professeurs que des personnes internationalement connues par la qualité de leurs travaux intellectuels, et qui, par conséquent, peuvent attirer des auditeurs étrangers. Mais, aussi, nous devons garantir aux auditeurs que les formes de transmission sont aussi modernes, vivantes et originales que possible.

En ce qui concerne mes propres enseignements, je m’applique évidemment à moi-même ce que je viens d’énoncer. Etant connu internationalement pour la création de la gastronomie moléculaire et physique, mais aussi ses applications telles que la cuisine moléculaire ou la cuisine de synthèse, je dois présenter à nos auditeurs la gastronomie moléculaire et physique, c’est-à-dire la discipline scientifique qui explore les mécanismes des phénomènes chimiques et physiques qui ont lieu lors des opérations culinaires. Par exemple, pourquoi les soufflés gonflent-ils ? Pourquoi des poires rougissent-elles parfois, quand on prépare des compotes de poire ? Pourquoi la  viande grillé brunit-elle ?. La gastronomie moléculaire a, pour premier de ses objectifs, de tester ce que je nomme des « précisions culinaires ». D’une part pour savoir si elles sont vraies (car environ 90 % d’entre elles sont fausses), mais, surtout, parce que les précisions avérées expérimentalement conduisent à des phénomènes que les sciences peuvent explorer.


Quelles sont les relations entre la cuisine et les sciences ?

La question est large, et il faut sans doute distinguer les sciences de la nature, et les sciences de l’humain et de la société, toutes représentées dans notre programme.
Pour ce qui concerne les sciences de la nature, la cuisine sert « seulement » à tendre des phénomènes que nous pouvons explorer. Et, inversement, il n’y aura jamais de sciences de la nature « en cuisine ». Beaucoup s’y sont trompés, soit qu’ils aient confondu « sciences de la nature » et savoir (technique, par exemple), soit qu’ils aient confondu sciences de la nature et rigueur.  Pour Carême, Urbain Dubois, Jules Gouffé, ou Auguste Escoffier, par exemple, la confusion se fait à propos de la rigueur, de la précision de la cuisine : cela ne suffit pas à transformer la cuisine en une science de la nature ! Il ne suffit pas d’être rigoureux pour être scientifique. On retrouve le mot « science » dans une myriade de livres de cuisine anciens comme la « Science du maître d’hôtel » ou « la Science du cuisinier ». Cela ne veut pas dire « sciences de la nature » mais « connaissance du métier ». Evidemment, la cuisine est une science avec cette acception, mais elle ne s’apparente pas, pour autant, à la chimie, la physique, la biologie. Et,  de ce point de vue, il n’y a aucune relation. D’ailleurs, la cuisine produit à manger, tandis que les sciences de la nature produisent des théories qui décrivent les mécanismes des phénomènes. Dans mon travail personnel de gastronomie moléculaire, j’utilise des phénomènes qui ont lieu en cuisine, car j’ai l’espoir que cela conduira à des découvertes scientifiques. Et je propose de bien voir que, entre la cuisine d’un côté et les sciences de la nature de l’autre, en particulier la gastronomie moléculaire, il peut y avoir de la « technologie », un pont qui contribue à rénover les techniques culinaires. Et c’est ainsi qu’a été pensée  la cuisine moléculaire, à partir de 1980,  et  la cuisine note à note plus récemment, mais pas seulement. Et c’est ainsi que, depuis 21 ans, je donne chaque mois une invention au célèbre chef français Pierre Gagnaire. Une invention, ce n’est pas de la découverte, c’est de la technologie. Je le fais pour montrer à quel point les sciences de la nature sont fécondes !


Qu’est-ce que la cuisine note à note ?

Disons que ce n’est d’abord pas de la « cuisine moléculaire » (vous observez que je n’ai pas dit « gastronomie moléculaire »!). Mais reprenons historiquement : à partir des années 1980, nous avons voulu moderniser les techniques culinaires, en faisant venir en cuisine des ustensiles qui venaient des laboratoires. Par exemple, les siphons pour faire des mousses ou l’azote liquide pour faire des glaces. Cette rénovation si avancée que l’on trouve des siphons dans les grandes surfaces, et que la plupart des fours cuisent maintenant à « basse température ».

Pour la cuisine de synthèse, que j’ai surnommée « cuisine note à note », l’idée que j’ai eue (en 1994) est très différente : au lieu de cuisiner avec des carottes, des navets, de la viande ou du poisson, j’ai proposé  de cuisiner avec des composés purs : de l’eau, des protéines, de sucres, des acides aminés, des lipides… C’est à la cuisine ce que  la musique de synthèse est à la musique.

 

Comment est-elle intégrée dans le programme HEG ?

Chaque fois que je donne des cours, je fais moi-même ou je fais faire des expériences. D’ailleurs, il est important d’indiquer que, dans ce nouveau programme, la composante culinaire a été renforcée. Et, notamment, les auditeurs soit en feront eux-mêmes de la cuisine note à note, soit ils verront un Chef en faire.


Que souhaitez-vous transmettre aux étudiants lors du programme ?

Les professeurs que nous sollicitons sont  parmi les meilleurs au monde, dans leur spécialité. Et personnellement,  je suis toujours émerveillé de les entendre, de découvrir l’excellence de leurs recherches, de leurs résultats, de leurs productions. Je veux que les auditeurs du monde entier puissent partager mon émerveillement.

D’ailleurs, nos professeurs ne valent pas seulement pour leurs résultats, mais aussi pour leurs valeurs,humanistes et  leurs méthodes : en grec, le mot « méthode » signifie  le « choix du chemin », c’est-à-dire comment aller vers des directions que l’on a identifiées. C’est très « pratique », pour nos auditeurs ! Et mes collègues et moi avons vu beaucoup d’aspects variés de la « gastronomie » : nous avons à coeur de « témoigner », afin de donner à nos auditeurs des idées qui peuvent leur servir. Par exemple, un directeur marketing d’une grande société alimentaire sera intéressé par les tendances de son secteur. Des industriels pourront voir de l’innovation dans la cuisine note à note. Les présentations de l’histoire de la cuisine donneront de nouvelles perspectives à des journalistes ou des blogueurs culinaires. Des enseignants trouveront des informations justes, et de quoi structurer leurs enseignements .


Un dernier mot pour inaugurer ce nouveau format HEG ?

Tous les 10 ans, il est nécessaire de tout mettre à plat pour reconstruire quelque chose de mieux. C’est comme une revue qui change sa maquette régulièrement, comme un chef qui change  sa carte ou le cadre de son restaurant, il y a une évidence à changer toujours pour le mieux. D’ailleurs le physicien Albert Einstein disait « La vie, c’est comme le vélo : il faut avancer pour rester en équilibre » . Je me réjouis très vivement que nous ayons tout reconstruit… avec toutefois deux fondations inchangées :  nous ne présentons que les  meilleurs des  professeurs à nos auditeurs, et nous voulons des formes de transmissions originales et modernes. Un changement important a eu lieu, dans ce cadre : nous avons donné plus de place à la cuisine,  dans notre bouquet de gastronomie. Grâce à l’Institut Le Cordon Bleu Paris et à  l’Université de Reims Champagne-Ardenne, toutes les composantes sont réunies pour faire de ce nouveau format une belle réussite.



Vous êtes intéressé ? Plus d'informations sur le programme et l’inscription en ligne en cliquant ici.

 

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